Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.
232
CHAPITRE XII.

figure du loup, soit parce qu’un déguisement sous cette forme offrait moins de difficultés, soit parce que leur pouvoir devait paraître d’autant plus formidable, que les véritables loups, à cause de leurs ravages fréquents, inspiraient plus d’effroi.

Il y a lieu de douter si les loups-garous furent jamais l’objet d’une terreur respectueuse ; mais il est certain qu’ils tombèrent par la suite aux derniers degrés de l’exécration. Les anciennes lois normandes, parlant de certains crimes et de leur punition, ajoutent : Que le coupable soit loup, « Wargus habeatur[1] » ; c’est-à-dire, qu’il soit mis hors la loi, qu’il soit traité comme un loup. Nos paysans normands étaient persuadés aussi que, au moyen de certains anathèmes, on pouvait vouer un coupable au diable, et l’obliger de courir le loup-garou[2]. Il était d’usage, avant la révolution, lorsqu’un crime avait été commis, et qu’on en ignorait l’auteur, de publier, dans les églises, des monitoires dans le but de contraindre le coupable à se déclarer lui-même, ou ceux qui le connaissaient à le dénoncer. La publication des monitoires se faisait d’une manière imposante, et capable d’imprimer à un esprit agité une profonde terreur. Le coupable était sommé de confesser son crime, par tout ce qu’il y avait de plus sacré pour lui dans les articles de sa foi religieuse, et par le salut éternel de son ame. On l’exhortait et on le menaçait tour à tour, avec un zèle qui ne permettait pas le doute sur les terribles conséquences de l’anathème qui allait être prononcé. Les monitoires, publiés au prône de la grand’messe, se renouvelaient pendant trois dimanches consécutifs ; mais, après la troisième publication, si une mauvaise honte retenait encore la langue du coupable, s’il refusait d’adhérer aux pathétiques exhortations de son pasteur, celui-ci procédait, à l’instant même, aux cérémonies de l’excommunication, au milieu des

  1. Leges regis Henrici primi, art. LXXXIII, § 5. (Ancient Laws and Institutes of England, in-fo, 1840, p. 258.)
  2. L.-J. Chrétien, Usages, Préjugés, Superstitions de l’arrondissement d’Argentan, p. 29.