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introduction.

d’éminents perfectionnements ou de profondes altérations. Mais le jeu des facultés humaines, quoique dépendant toujours des mêmes organes, admet cependant une admirable diversité. Le mobile intellectuel et moral des opinions populaires peut donc subir des variations sensiblement marquées, suivant le progrès des siècles et de la civilisation. Ainsi, de nos jours, ce ne sont plus, ni les révélations prestigieuses de l’imagination, ni les inspirations entraînantes du sentiment, qui prédominent sur nos opinions et nos croyances. Loin de là, les idées abstraites sont les seules dont nous reconnaissions l’autorité. Il n’en a pas toujours été ainsi : pour préparer les masses à la perception de cet ordre supérieur d’idées, il n’a fallu rien moins que le rude exercice de la scolastique du moyen-âge, auquel, à la vérité, la foule ne participait pas, mais qu’elle observait de loin, et dont elle acquérait, à son insu, les principes et l’expérience.

Cependant, cette incapacité primitive des masses à se pénétrer des idées dépourvues de toute enveloppe sensible, fut la cause déterminante de la plupart des inventions populaires. Quelque simples et faciles que fussent les déductions des systèmes religieux établis par ses législateurs et par ses prêtres, le peuple ne parvenait à se les assimiler qu’en les personnifiant sous mille formes plus ou moins ingénieuses, poétiques ou bizarres. C’est ainsi qu’ont pris naissance les divinités