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CHAPITRE XI.

vel Hercule, il endosse son armure, plus solide qu’une peau de lion ; sa longue épée, dans sa main, vaut une massue. Il marche droit à la caverne, surprend le monstre endormi, et le frappe d’un coup si terrible qu’il lui enlève sa principale tête. Mais celui-ci se réveille assez formidable encore pour engager un combat à outrance : il aveugle son ennemi par les vomissements de flamme qu’il lui lance au visage, et le baron de Bailleul, tout intrépide qu’il est, recule épouvanté ! À peine est-il dehors, qu’un craquement effrayant se fait entendre, comme si la terre allait s’effondrer sous la fureur du reptile ; les roches de Villedieu éclatent de toutes parts et jonchent la plaine de projectiles énormes ; une lave ruisselante envahit le lac, puis la commotion s’apaise, et le silence se rétablit sur cette scène de désastre. Le lendemain, les vassaux du seigneur de Bailleul s’approchèrent, en tremblant, de ce lieu désolé : ils trouvèrent le corps du baron calciné dans son armure, et, plus heureux qu’ils n’auraient osé l’espérer, ils se virent délivrés, à la fois, des deux monstres qui les tyrannisaient : le serpent et le baron[1].

M. Galeron, qui raconte aussi cette légende, en a diversifié certains détails d’après le récit des gens du pays. Voici une circonstance curieuse de cette nouvelle narration : Lorsque le sire de Bailleul se disposait à aller combattre le serpent, il se couvrit d’une armure de fer-blanc, ainsi que son cheval, et, bardé jusqu’aux dents, il s’avança vers la caverne si redoutée. Dans sa rencontre avec le dragon, le chevalier porta à son ennemi des coups assez sûrs pour que la perte de celui-ci devint certaine ; mais le monstre, dans l’excès de sa rage, vomit tant de flammes que le chevalier en fut suffoqué. Pour comble de malheur, son cheval, dans son effroi, étant venu à se retourner, les crins de sa queue, que l’on n’avait point mis à l’abri sous l’armure, comme tout le reste du corps, s’enflammèrent en un instant, et l’animal, ainsi que celui qu’il portait, furent consumés entièrement.

  1. Lottin de Laval, Journal de France, 26 nov. 1833.