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CHAPITRE XI.

solation, à cause des monstres qui l’habitent. Cet antique monument de la folie orgueilleuse de l’homme est peuplé d’une si grande quantité de reptiles et d’autres animaux effroyables, qu’on ne peut en approcher de sept lieues sans courir le risque de mourir de peur, sinon d’être dévoré[1]. Les habitants de la Sologne connaissent aussi la superstition du Codrille. Mais, en regard de cette croyance, ils en possèdent une autre encore, qui a perpétué d’une manière bien plus fidèle la tradition druidique. Tous les ans, le 13 mai, les couleuvres, les serpents et les anvots de la Sologne se réunissent sur les bords d’un étang, situé entre Ardon et Jouy, pour travailler ensemble à former un gros diamant avec une espèce de liqueur très brillante qu’ils ont sous la langue[2].

Il se raconte, à Villedieu-les-Roches, une tradition sur un serpent monstrueux qui désolait la contrée, vers le milieu du quinzième siècle. On ne dit point, cependant, qu’il fût issu d’un Codrille. Peut-être un véritable serpent s’est-il montré en cet endroit, et, comme cela est arrivé tant de fois, la peur aura exagéré, jusqu’au fantastique, les proportions du terrible animal. On peut supposer aussi, en donnant à la légende une origine plus ancienne que celle qui lui est assignée, que les ravages attribués au serpent de Villedieu-les-Roches ne sont qu’une allégorie populaire caractérisant les désastres occasionnés par une éruption volcanique, dont le sol semble porter des traces en cet endroit.

L’église de Villedieu-les-Roches est bâtie sur une élévation de rocs noirs et grisâtres ; un défoncement peu profond, large d’environ trente toises sur cent cinquante de longueur, part de l’église et s’allonge dans la direction de Coulonces et de Bailleul, bordé d’énormes masses granitiques qui élèvent en surplomb leurs têtes inégales. Tout près de ces rochers est une espèce de caverne dont l’entrée a été rétrécie par le travail du temps ou par la main des hommes. Suivant la

  1. Légier, Mém. de l’Acad. celtiq., t. II, p. 204.
  2. Idem, ibid. t. II, p. 215.