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CHAPITRE IX.

Plus loin, près de Tancarville, à l’extrémité d’une enceinte retranchée, supposée gauloise, il existe une roche, ayant la forme d’un énorme cul-de-lampe, qui est suspendue à une assez grande hauteur au-dessus du niveau de la Seine : on appelle dans ce pays cette roche, Pierre Gante (pierre du Géant), parce qu’elle servait de siège à Gargantua lorsqu’il voulait se laver les pieds dans la Seine. On raconte encore beaucoup d’autres traditions du même genre, d’ailleurs peu importantes[1].

À Veulettes, il y a un fort romain, entouré de hauts boulevards, ayant de loin l’apparence d’un cône ; on l’appelle parmi le peuple le Tombeau de Gargantua[2].

C’est à Gargantua qu’il faut rapporter, suivant quelques auteurs, la dénomination de Mont-Gargan, donnée à plusieurs montagnes de France et d’Italie. Cependant, d’autres étymologistes n’y voient qu’une altération du mot archange. Un monticule, près de Rouen, situé à la descente de la montagne Sainte-Catherine, s’appelle Mont-Gargan.

L’église de Fortmoville est située dans une vallée, et n’a de remarquable que son clocher en bâtière. Les habitants racontent que ce clocher fut primitivement très élevé, mais que Gargantua, en passant d’un mont sur l’autre, l’ayant renversé d’un coup de pied, on lui donna la forme qu’il a conservée[3].

Il existe, dans le pays de Caux, un chemin antique actuellement caché par des terres mises en culture, mais auquel on a conservé, de souvenir, le nom de Chemin des Fées[4].

En plaçant ainsi, sous le patronage des puissances surnaturelles, des fées, des esprits, des géants, les phénomènes de la nature ou du travail humain, le peuple a su révéler naïvement son admiration ; mais la science, mieux éclairée de nos

  1. De Caumont, Cours d’Antiquités mon., t. I, p. 113.
  2. Note communiquée par M. Fallue.
  3. A. Canel, Essai sur l’arrondiss. de Pont-Audemer, t. II, p. 495.
  4. Mém. de l’Acad. Celtiq. t. IV, p. 240.