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MONUMENTS DRUIDIQUES.

Sur le territoire de Saint-Patrice-du-Désert, dans l’arrondissement d’Alençon, on admire une belle chaîne de rochers de quartz, élevés par les mains de la nature dans un ordre monumental qui les fait ressembler à des ruines grandioses, dont l’aspect illusoire et fantastique trompe long-temps le regard du voyageur étonné. Cette demeure majestueuse, qui a son type architectural dans les palais de nuages, était habitée par un génie bienfaisant qui se plaisait à épancher ses faveurs sur la contrée. Il écoutait, de là, les vœux timides de ceux qui venaient l’implorer, et, s’ils avaient un motif juste et raisonnable, il ne manquait jamais de les satisfaire. Lorsqu’un laboureur lui demandait des bœufs pour cultiver son champ, il était certain d’en trouver deux noirs, paissant sur la bruyère. Maintenant le génie protecteur a disparu, laissant d’inutiles trésors enfouis sous les Roches d’Orgères[1].

À Vignats, dans le voisinage du menhir appelé la Roche aiguë, existe une Maison aux Fées ou Maison au Loup, espèce d’étroite caverne, de vingt pas de profondeur à peu près, où les enfants pénètrent en se glissant entre les fentes des rochers. On débite plusieurs contes sur ce lieu, et les vieillards du voisinage vous affirment sérieusement qu’ils ont observé que l’ouverture de la Maison aux Fées se rétrécit chaque jour. Est-ce donc vraiment que la porte des illusions doit rester tout-à-fait close pour la génération présente[2] ?

Non loin de Rouen, sur les bords de la Seine, auprès de Duclair, se trouve une roche très élevée, connue sous le nom de Chaise de Gargantua, et qui prête, dans la contrée, à de naïfs commentaires sur les habitudes supposées du géant. M. Deville a trouvé, dans une charte du xie siècle, cette roche désignée sous le nom du Curia Gigantis (chaise du Géant)[3].

  1. F. Galeron, Rapport sur les monuments historiques de l’arrondissem. d’Alençon, (Mém. de la Société des Antiq. de Normandie, 1835.)
  2. F. Galeron, Statist. de l’arrond. de Falaise, t. II, p. 309.
  3. De Caumont, Cours d’Antiquités monumentales, t. I, p. 113.