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MONUMENTS DRUIDIQUES.

coutume a été signalée, on a reconnu, en même temps, que les pierres érigées étaient considérées comme sacrées, qu’elles étaient l’objet d’un culte. L’histoire nous a conservé les noms génériques appliqués chez les peuples anciens aux monolithes divinisés. On les appelait Thoth chez les Égyptiens ; Bétyles ou Bethel dans la Palestine et la Syrie ; Hermès chez les Grecs ; Termes chez les Romains. Les nombreuses affirmations des voyageurs ne laissent pas à douter que ce fétichisme ne fût également habituel aux populations sauvages de l’Amérique[1]

Dès qu’il est prouvé, par la généralité du fait, que le culte des pierres ne se rapporte pas à un symbole particulier d’une religion quelconque, il paraît nécessaire de rechercher le motif qui a présidé à l’érection de ces pierres, pour déterminer l’origine de leur déification. M. Dulaure, qui a fait des recherches nombreuses et étendues sur l’origine des pierres divinisées, conjecture d’abord que ces pierres étaient extraites des montagnes sacrées auxquelles les peuples primitifs vouaient leurs adorations. Il faudrait, en conséquence, considérer les pierres érigées comme des fétiches artificiels qui étaient destinés à suppléer au petit nombre des fétiches naturels, et à transplanter en d’autres lieux leur vertu protectrice et leur influence religieuse. À l’appui de cette opinion, on a remarqué que la matière des pierres sacrées n’avait pas toujours été empruntée aux roches les plus voisines de l’endroit où ces pierres étaient dressées, mais que celles-ci avaient été, au contraire, transportées quelquefois d’un lieu éloigné, par un effort incompréhensible de travail et d’art. Nous pouvons citer, comme offrant l’exemple d’une semblable translation, un monument druidique de la Normandie : la Galerie couverte de Vauville, dans le département de la Manche. Les deux lignes de jambages de ce monument important, qui n’a pas moins de quarante pieds dans sa longueur actuelle, sont d’un quartz grenu, et elles ont pu

  1. Voyez les exemples cités par Dulaure, Histoire des Cultes qui ont précédé et amené l’idolâtrie, chapitre xii, p. 195 et suiv.