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TRÉSORS CACHÉS.

propre à flatter, à encourager même la tenace cupidité, particulière aux Normands.

Les fameux souterrains de la tour de Neaufles ont donné lieu à une tradition qui offre quelques points de ressemblance avec celle du château de la Robardière. La tour de Neaufles est aussi une forteresse ruinée, située à une lieue du château de Gisors ; on dit que ses souterrains communiquent avec ce château, en passant sous le lit de la rivière qui l’en sépare.

Le grand souterrain de Neaufles, comme celui de la Robardière, recèle un trésor magique, enfermé sous des grilles de fer, d’un travail merveilleux. L’auteur d’une notice insérée dans le Mémorial des Sciences et Arts, rapporte le témoignage d’un ouvrier qui, ayant travaillé dans les souterrains de Neaufles, prétendait avoir vu et touché ces belles grilles[1]. Elles forment une barrière impénétrable qui, suivant le dire des anciens du pays, défend l’entrée d’un temple magnifique. Ce temple est consacré au Veau d’or, dont l’image resplendissante s’élève au fond du sanctuaire. Un amas de richesses, à rebuter la soif de l’avarice même, est étendu aux pieds de l’impure idole. L’or, l’argent, les diamants, les pierres précieuses, s’étalent à profusion sur les murailles et les plafonds du temple, comme autant de monuments de l’avidité insatiable des désirs humains ; il semble, en effet, que toutes les pompes de Satan, prohibées par la sainte pauvreté du christianisme, se soient réfugiées dans cet asile mystérieux ! Au reste, il n’est donné à nul être humain d’y pénétrer, même au péril de son ame ; Satan défend son sanctuaire par tous les prestiges de la magie ! Des ouvriers, qui avaient reçu l’ordre de déblayer les souterrains, ayant tenté de pénétrer sous ces voûtes ténébreuses, se virent forcés d’interrompre leurs travaux : des gouffres enflammés s’entrouvraient sous leurs pas ; l’air s’imprégnait autour d’eux de vapeurs fétides ; des

  1. Mémorial des Sciences et Arts, tome ii, p. 518.