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LUTINS

des pierres, roulent par les escaliers des choses pesantes ; ils entrent dans les chambres, et contrefont, soit un chat, une souris, soit un autre animal quelconque ; ils foulent dans leur lit les personnes couchées, tirent les rideaux et la couverture, et s’amusent à mille singeries. Cependant, tout ceci n’a d’autre résultat que d’inquiéter les personnes de la maison et d’empêcher leur sommeil ; car tout ce qui semble rompu et brisé, se retrouve le lendemain à sa place et en bon état[1]. »

Ce sont encore ces mauvais tours que l’on prête de nos jours aux Lutins, surtout dans le département de la Manche, où l’on désigne l’espèce entière de ces esprits malicieux, sous le nom de Goubelins. On dit que les Goubelins apparaissent souvent sous la forme d’enfants noirs[2] : signalement qui se rapporte tout-à-fait à ces Velus dont parle Burchard, auxquels il fallait donner de petites arbalètes et de petites bottines d’enfant, pour les engager à se fixer dans certaines maisons, où ils apportaient un abondant renfort de provisions, aux dépens des caves et des celliers du voisinage[3].

À propos des infestations de maisons par les Esprits, nous ne pouvons résister à citer ici une charmante petite historiette racontée par Henry Heyne : « Un pauvre Jutlandais devint si chagrin de la présence d’un de ces singuliers commensaux, qu’il résolut de lui abandonner sa maison. Il chargea ses misérables effets sur une brouette, et se mit en chemin pour aller s’établir dans le village prochain ; mais, s’étant retourné une fois en route, il aperçut le petit bonnet rouge et la petite tête du Kobold qui, s’avançant hors d’une des barattes au beurre,

  1. Le Loyer, Disc. des Spectres, p. 389.
  2. P. Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec ; (Annuaire de la Manche, 1832.)
  3. « Fecisti pueriles arcus parvulos, et puerorum suturalia, et projecisti sive in cellarium, sive in horreum tuum, ut satyri vel pilosi cum eis ibi jocarentur, ut tibi aliorum bona comportarent, et indè ditior fieres. » (Burchard, l. xix, c. 5, f° 195 v° de l’édit, de Cologne, 1548, in-f.)