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ENLÈVEMENTS ET SUBSTITUTIONS D’ENFANTS

parents, plus faciles à déterminer. Dans la Basse-Normandie, on croit encore que les femmes et les nourrices ne doivent pas sortir après le coucher du soleil, de peur que le diable ne s’empare des enfants qu’elles portent ou qu’elles allaitent[1].

Une vision horrible, envoyée sans doute par quelque diable envieux, effraie parfois les enfants au berceau ; c’est la bête Saint-Germain. Il est indispensable de faire dire une messe en l’honneur de ce saint, pour vaincre le monstre et délivrer les enfants[2].

Dans le Perche, à Tourouvre, près de l’Aigle, une méchante sorcière, appelée la mère Nique, armée d’un énorme bâton, poursuit, de temps immémorial, les petits enfants, pour leur administrer des corrections qui ne sont nullement maternelles ; mais nos vaillants marmots ont formé, entr’eux, une sorte d’assurance mutuelle, offensive et défensive, qui parvient à conjurer les attaques de la mère Nique. Il est supposable que la mère Nique est d’origine Scandinave ; son nom rappelle certaines divinités des eaux, de nature malfaisante, appelées chez les peuples septentrionaux : Nick, Nuck, Nacken, Nixen et Nissen. Peut-être est-ce au souvenir traditionnel de ces méchantes déesses, que nous devons l’expression proverbiale : Faire la nique[3].

  1. L. Dubois, Annuaire statistique du départ. de l’ Orne — J. Chrétien, Usages, préjugés, etc., de l’arrondissement d’Argentan.
  2. P. Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec, (Annuaire de la Manche, année 1832, p. 217.)
    Cette croyance doit être mise au rang de cette espèce de préjugé qui consiste à croire qu’un saint peut envoyer une maladie particulière à un enfant, et que, si une messe n’est pas dite en l’honneur du patron de cette maladie, l’enfant n’obtiendra pas guérison. On appelle cela être tenu de tel ou tel saint, ayant soin toujours d’établir un rapprochement entre le nom de la maladie et celui du patron. Un enfant, par exemple, qui a des engelures ou quelques douleurs rhumatismales aux doigts, est tenu de saint Main.
  3. G. Vaugeois, Hist. des antiquités de la ville de l’Aigle, p. 587.