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ENLÈVEMENTS ET SUBSTITUTIONS D’ENFANTS

minutieuse et plus attentive encore. Sans doute il en devait arriver ainsi chez les femmes qui avaient une vive perception du sentiment maternel ; mais celles chez qui ce sentiment avait été dépravé par une de ces monstrueuses antipathies trop fréquentes dans une classe où l’intelligence, non développée par l’éducation, ne dirige pas les inclinations, celles-ci, disons-nous, prenaient occasion des échanges opérés par les fées, pour accabler de leur haine barbare l’enfant que ne reconnaissaient pas leurs entrailles de mère. Elles lui faisaient endurer sans remords, comme sans pitié, tous les mauvais traitements que leur suggérait leur animadversion, à cause de la croyance qu’il était enfant de fée !

Nous tenons les détails qui précèdent d’un témoin oculaire qui les avait constatés chez des femmes encore imbues de ce préjugé. Nous ajouterons cependant, à l’honneur de notre civilisation, qu’un tel exemple a été fourni par l’Irlande, et non par la Normandie ; mais il fait supposer ce qui se passait dans notre province alors que la superstition à laquelle il a trait s’y trouvait pleinement en vigueur.

Voici, d’ailleurs, une petite tradition normande tout-à-fait en rapport avec les faits que nous avons signalés, et qui n’a pu manquer d’être considérée comme un renseignement fort intéressant sur la manière dont il fallait en user avec la progéniture des fées !

Un jour, une paysanne, portant son enfant dans ses bras, rencontra une fée, également chargée du sien, et qui lui proposa bonne récompense pour l’échange de leurs nourrissons ; mais la femme rejeta bien loin cette proposition, déclarant que l’enfant de la fée fût-il neuf fois plus beau que le sien, elle ne consentirait point à un semblable marché. Quelque temps après, ayant laissé son enfant seul à la maison, pendant qu’elle était allée travailler aux champs, la mère crut s’apercevoir, à son retour, qu’on le lui avait changé.

Elle alla consulter aussitôt une voisine, qui, pour s’assurer du fait, tenta l’épreuve suivante : elle cassa une douzaine