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LES FÉES.

mer, où la falaise le rend inaccessible. Ces retranchements forment une enceinte de plus de 1800 toises de tour, si on y joint la partie de falaise qui la borde. Cette vaste enceinte porte, dans de vieux titres, le nom de Cité de Limes, et, dans les dénominations modernes, le nom de Camp de César, et de Câtel ou Castel. On a beaucoup disputé pour savoir si l’origine de ces fortifications était gauloise, romaine ou mediævale ; cette question n’a rien à faire ici ; nous signalerons seulement la croyance établie parmi les habitants des environs sur cette localité.

On disait que les fées avaient coutume de tenir une foire dans la cité de Limes ; là elles excitaient la convoitise des assistants par l’offre des marchandises merveilleuses que recèlent leurs trésors magiques[1] : c’étaient des plantes surnaturelles, guérissant les maladies de l’ame aussi bien que les blessures du corps ; des parfums qui rendent la jeunesse immortelle ; des fleurs qui chantent pour charmer les ennuis du cœur ; des pierres précieuses, dont chacune est douée d’une vertu particulière : le grenat, qui fait braver tous les dangers et préserve de tous les malheurs ; le saphir, qui rend chaste et pur ; l’onyx, qui donne santé et beauté, et fait revoir, en songe, l’ami absent ; puis, des pierres antiques qu’une main inconnue a gravées, et dont chaque image est un talisman de bonheur et de gloire ; des armes invincibles, des miroirs magiques où se lit l’avenir, où se dévoilent les plus intimes secrets de l’ame ; des oiseaux devins, comme le Caladrius, qui

  1. M. Feret, auteur d’une notice très intéressante sur la cité de Limes, insérée dans les Mémoires de la Société d’Émulation de Rouen, année 1825, suppose que le mot de Limes vient du latin Limes (limite). « Chez les Gaulois, remarque-t-il, c’était sur les frontières des nations que se tenaient les marchés, que se faisaient les échanges. Serait-ce de cet usage que viendrait l’histoire des fées marchandes et trompeuses ? »

    Dans un village situé aux environs de Dieppe, sur la route de Caude-côté, une tradition existe de temps immémorial, que des femmes, couvertes d’un blanc voile, apparaissent la nuit, à une certaine place que les découvertes archéologiques ont signalée comme ayant été un lieu de sépulture, durant l’établissement des Romains dans les Gaules. (Vitet, Histoire de Dieppe, t. ii, p. 319.)