Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
LES FÉES.

Mourgues ou Morgain. Enfin, pour compléter ces différents rapprochements, on a comparé le vêtement blanc de nos Sybilles nocturnes à la robe sacerdotale des Druidesses[1].

Une tradition normande, sur la fondation du village de Cracouville, nous dépeint les Druidesses sous un aspect qui leur prête une ressemblance caractéristique avec les Dames blanches.

Cracus, roi des Vandales, ayant pénétré dans les Gaules, à la tête d’une armée, s’empara du territoire des Éburovices. Près du lieu où ce roi fixa sa demeure, et que l’on suppose avoir été l’emplacement connu, depuis, sous le nom de Vieil-Évreux, se trouvait un collège de Druidesses. Ces prêtresses, averties de l’approche du conquérant, formèrent une danse selon leurs rites sacrés, après quoi elles disparurent merveilleusement, sans laisser trace de leur existence. Cracus logea ses troupes dans la vaste habitation qu’elles avaient abandonnée, et, de là, ce lieu fut appelé Cracouville[2].

Les Dames blanches, ou les bonnes Dames, les bonnes et franches Pucelles[3], comme on disait encore en parlant des fées, devenaient quelquefois de libérales pourvoyeuses, employées à des fonctions que, sans aucun doute, elles avaient empruntées aux déesses Maires. Elles se réunissaient en troupe, et, pendant la nuit, visitaient les celliers, parcouraient les maisons, goûtant même aux provisions sans qu’il y parût ; dans ces excursions, elles étaient commandées par dame Abonde ou Habonde, leur reine, que l’on nommait ainsi, dit Guillaume d’Auvergne, parce qu’elle ré-

  1. D. Monnier, Du Culte des Esprits dans la Séquanie, p. 104.
  2. Le chevalier Masson de Saint-Amand, Essais historiques et anecdot. sur l’ancien comté d’Évreux, 2e partie, p. 193, notes.
  3. Ces qualifications, remarque M.Alfred Maury (Recherches sur les Fées du moyen-âge), ne sont évidemment que la traduction du titre de bonœ donné aux Parques, plutôt, sans doute, par antiphrase que par reconnaissance, et de puellœ, attribué aussi bien aux Nymphes qu’aux Fata.