Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
LES FÉES.

imitent tous les goûts de leurs alliés les lutins, dont elles sont les rivales dans les travaux rustiques. Elles font choix de certaines fermes, où elles vont emprunter chevaux, harnais, ustensiles de toute espèce, et, pendant la nuit, elles vont besogner à quelque ouvrage dont on n’aperçoit pas de trace le lendemain, mais qui n’en a pas moins, soyez en persuadé, son utilité cachée. Fières et mutines amazones, elles se plaisent à galoper sur les chevaux qu’elles montent d’une façon singulière : elles se tiennent assises sur le cou de l’animal, et nouent ensemble plusieurs mèches de ses crins pour se faire des étriers. Tel est leur bon vouloir, leur science et leur adresse, qu’elles portent bonheur à tout ce qu’elles emploient : les bêtes de somme engraissent à leur service ; les ustensiles auxquels elles ont mis la main se trouvent raccommodés s’ils étaient cassés, et redeviennent comme neufs, s’ils étaient usés. Enfin, elles sont prévenantes, gracieuses, promptes à s’attacher, aimant à rendre une infinité de petits services, et même à faire présent de gâteaux aux personnes qui les obligent, ou qui ont la discrétion de ne point les troubler[1].

Nous connaissons encore en Normandie une autre espèce de fées appelées Dames blanches[2]. Ce sont des spectres en forme de femmes, qui se plaisent à surprendre les voyageurs égarés la nuit. Les Dames blanches dressent leur embûche dans les passages étroits, tortueux, difficiles, où leur rencontre ne peut être évitée ; tantôt c’est au fond d’un ravin, tantôt c’est au gué d’une rivière, ou sur quelque pont rustique que deux personnes ne pourraient traverser de front. Bekker, auteur du Monde enchanté, rapporte, d’après Corneille van Kempen, Schott, Delrio, Picart, Wier et Kippingius, que les Dames blanches habitaient des cavernes, espèces d’enfoncements souterrains qu’elles pratiquaient au sommet des collines. Elles

  1. Pierre Le Fillastre, Superst. du canton de Briquebec. (Annuaire de la Manche, 1832, p. 213.)
  2. L.-S. Chrétien, Usages, préjugés, superstitions de l’arrondissement d’Argentan. — Guilmeth, Histoire de la ville d’Elbeuf.