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CHAPITRE V.

(les fées avaient coutume de se présenter trois à trois), l’analogie de leurs attributs et de leurs pouvoirs, tout concourt à démontrer qu’une relation intime existe entre les Maires ou Parques et les Fées[1].

Un témoignage précieux nous offre de plus la preuve que le culte des Parques était demeuré populaire en France plusieurs siècles après l’établissement du christianisme. Burchard, qui écrivait au commencement du xie siècle, avance que, de son temps, on croyait encore à trois divinités sœurs, que les anciens appelaient les trois Parques (tres illœ sorores quas antiqua posteritas aut antiqua stultitia Parcas nominavit ) ; il ajoute ensuite que, suivant l’opinion commune, elles présidaient à la naissance des hommes, à qui elles communiquaient, dès-lors, s’il leur en prenait fantaisie, le pouvoir de se transformer en loup et en toutes sortes de bêtes, ce qu’on appelait en ce temps Werwolff. Elles influaient si fort sur le genre et les différentes circonstances de la vie, qu’on ne manquait jamais d’être ce qu’elles avaient résolu qu’on fût (et tunc valeant ilium designare ad hoc quod voluit). En particulier, les femmes avaient coutume, certains jours de l’année, de dresser, dans quelque appartement secret de leur maison, une table chargée de mets et de bouteilles, avec trois couverts, afin que les trois sœurs vinssent prendre leur repas chez elles, et, qu’en récompense, elles fissent pleuvoir en tout temps dans leur maison les biens en abondance[2]. On peut rapprocher cet antique usage de ce qui se pratique encore dans les provinces pyrénéennes : « La nuit du 31 décembre au 1er janvier, les Fées (Hados) viennent dans les habitations

  1. Ceux d’entre nos lecteurs qui voudraient faire une étude plus étendue de l’histoire de la féerie, et puiser de nouveaux renseignements sur l’origine classique des fées, pourront consulter une brochure très intéressante de M. Alfred Maury : Les Fées du moyen-âge : Recherches sur leur origine, leur histoire et leurs attributs. Paris, Ladrange, 1843, in-12.
  2. Burchard, Canones, l. xix, ch. v.