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CHASSES FANTASTIQUES.

d’oies sauvages, de canards, de hiboux, de renards, ou des hurlements de loups, pour des voix humaines ? — A répondu : qu’il était au fait de toutes ces sortes de cris, et qu’il n’était pas homme si aisé à se frapper, ni si susceptible de crainte, pour prendre ainsi le change.[1] »

De tels exemples, souvent reproduits, de phénomènes inexpliqués, ne font-ils pas vivement regretter que les plus intéressants commentaires de la science manquent encore au naïf poème de nos antiques superstitions ?

L’apparition des chasses fantastiques est signalée, une autre fois encore, dans notre histoire : Henri I, ayant fait, en Angleterre, une grande promotion d’abbés et de prélats normands, au préjudice des titulaires nationaux, les Anglais, offensés dans leur nationalité, s’en vengèrent en répandant le bruit d’apparitions merveilleuses qui signalaient ces usurpations, et protestaient contre elles. Ainsi, la Chronique saxonne affirme que, dans le temps où l’abbé Henry Le Poitevin fit son entrée à Peterboroug, il apparut, la nuit, dans les forêts situées entre le couvent et la ville de Stamford, des chasseurs noirs, grands et difformes, montés sur des coursiers noirs, menant des chiens noirs aux yeux hagards, et poursuivant des biches noires… Des gens dignes de foi les ont vus, dit le narrateur, et, durant quarante nuits consécutives, on entendit le son de leurs cors.[2] À Lincoln, sur le tombeau de l’évêque normand Robert Bluet, homme fameux par ses débauches, des fantômes se montrèrent aussi pendant plusieurs nuits.[3]

Parmi les différentes traditions, expliquant l’origine de la Chasse fantastique, il est une version vulgaire qui, en Basse-

  1. Variétés hist., ou Recherches d’un Savant, t. ii, p. 416.
  2. Gibson, Chronique Saxonne p. 232.
  3. « Robertus Bluet, vir libidinosus… loci custodes nocturnis umbris exagitatos. » Henricus Knyghton, p. 2364. — Aug. Thierry : Conquête de l’Anglet. par les Normands, t. ii, p. 273, 3me édition.