Page:Bosquet - Guide manuel du doreur sur cuir, 1903.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

mesurer la rectitude, faisant lestement et gaillardement sa besogne. Cependant petit à petit et sans qu’il y prenne garde fatalement et graduellement le coup d’œil se fausse et tout en ayant la conviction qu’il marche toujours droit, il pousse au bout d’un certain temps toutes ses lignes de travers, et il place ces tomes ou chiffres de tomaison à une place plus ou moins éloignée du centre du compartiment ?

Si au bout de ce temps parfois assez court vous remettez le compas entre les mains du doreur, il manifestera sa mauvaise humeur et trouvera extraordinaire que vous trouviez incorrect ce que lui, doreur, trouvera parfaitement droit, mais le petit compas lui aura bientôt montré son béjaune et vous le verrez se gratter le bout du nez avec le désappointement le plus vif, et cependant ce n’est pas lui qui en est la cause.

Le seul moyen de combattre ce grave inconvénient est de se rendre compte plusieurs fois par jour et de remettre le coup d’œil au point. Un des meilleurs élèves que nous ayons formé avait négligé pendant un certain temps de se conformer à ce précepte si sage. Très surpris de voir un jour le résultat de son travail, nous le lui mîmes sous les yeux en plaçant le volume bien en face de lui à la place où il travaillait habituellement. Nous étions convaincus que sans lui faire la moindre remarque il se rendrait immédiatement compte de quoi il s’agissait, mais point ; alors retournant le volume en le lui présentant tête en queue, il recula stupéfié d’avoir le coup d’œil faussé à ce point. En effet, c’est le moyen le plus simple de se rendre immédiatement compte si titres, fleurons ou filets sont bien placés dans la ligne droite. Les ayant poussés dans un sens on les retourne dans l’autre, le coup d’œil et le mouvement du poignet se corrigent forcément par la comparaison.