Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’homme continue à se taire ;
Un vague effroi descend en eux,
Et les chevaux frappent la terre
D’un élan plus vertigineux ;

Une heure passe, et puis une heure,
Une heure encore, et dans la nuit
La troupe folle crie et pleure
Comme un cerf qu’un tigre poursuit ;

Soudain l’attelage se cabre,
Tourne bride, et, presque aux abois,
Il reprend sa course macabre,
Mais vers la ville cette fois ;

Pour terminer l’étrange fête,
Enfin, par un effort dernier,
L’attelage épuisé s’arrête…
Devant l’Opéra de Garnier.

« — Messieurs, dit le cocher lugubre,
« Ce voyage de carnaval
« D’un temps pareil est insalubre…
« Allez vous réchauffer au bal ;

« Pour me pardonner cette farce
« Mauvaise par ce froid aigu,
« Apprenez que je fus comparse
« Au théâtre de l’Ambigu ;