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L’amour, la liberté, l’ambition, la gloire,
Rappelons-les en nous par un suprême effort ;
Mais, comme ces serpents de ma naïve histoire,
Ils prolongent la vie ou rapprochent la mort !

Ô vous qui connaissez les passions tardives,
Vous que mord le serpent, supplice sans témoin,
Ne désespérez pas, courez aux sources vives ;
L’eau malsaine est si proche et la bonne est si loin !

Toi que l’ambition agite de ses fièvres,
Si tu veux ennoblir tes faiblesses d’hier,
Mets ton ambition à chasser de tes lèvres
Tout ce qui n’est pas pur, tout ce qui n’est pas fier !

Toi dont la liberté reste le dernier culte,
Place haut ses autels pour en garder le feu,
Et pour la préserver des foules en tumulte
Ne la demande plus à l’homme, mais à Dieu !

Toi que l’àpre aiguillon des sens poursuit encore,
Toi qui prends en dégoût tes ivresses d’un jour,
Tu ne pourras calmer le feu qui te dévore
Qu’en le purifiant dans quelque noble amour !

Toi, poète, longtemps épris de cette palme
Que les plus fortes mains peuvent seules saisir,
Après avoir cherché le bruit, cherche le calme
Que ta sérénité domine ton désir !