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CLYTEMNESTRE.

Mon mal est trop cruel pour des attentes vaines ;
Le feu brûle mon cœur, le feu court dans mes veines,
La fureur et l’effroi s’y mêlent tour à tour ;
Liée, en rougissant, au joug d’un vil amour,
Jalouse par orgueil d’un époux que j’abhorre,
Ma pudeur m’abandonne et se révolte encore.
Comme la mer qui semble indécise souvent
Quand le flux qui montait lutte contre le vent,
Je renonce à l’espoir de gouverner ma vie ;
Je vais où la douleur, l’espérance, l’envie,
Me conduiront : quand l’âme erre de toute part,
Le guide le meilleur, c’est encor le hasard !

LA NOURRICE.

Aveugle, qui le prend ; qui le suit, téméraire !

CLYTEMNESTRE.

Quel sort, dans l’avenir, me serait plus contraire ?

LA NOURRICE.

Ta crainte, calme-la ; tes fautes, cache-les.

CLYTEMNESTRE.

Le vice brille et perce à travers nos palais.

LA NOURRICE.

Ton cœur d’un crime ancien frémit, et recommence !

CLYTEMNESTRE.

Sur la pente du mal s’arrêter est démence.

LA NOURRICE.

Nouveau crime, — nouveau péril, nouvel effroi !

CLYTEMNESTRE.

C’est le fer et le feu qui guérissent, crois moi.

LA NOURRICE.

On n’en vient pas si vite aux remèdes extrêmes.

CLYTEMNESTRE.

C’est l’audace qui sauve en ces crises suprêmes.