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ACTE DEUXIÈME


Scène PREMIÈRE

CLYTEMNESTRE, LA NOURRICE.
CLYTEMNESTRE (à part).

Pourquoi délibérer et flotter dans le doute,
Âme faible ? Il n’est plus pour moi de bonne route.
J’ai su garder d’abord, ferme dans mon devoir,
De mon époux absent l’honneur et le pouvoir ;
Un jour a tout détruit ; mon forfait est mon maître ;
La pudeur, une fois morte, ne peut renaître ;
Plus de frein désormais ! Aux crimes de demain
Que les crimes d’hier éclairent le chemin !
Rappelons-nous, voulant les prendre pour modèles,
Les célèbres forfaits des femmes infidèles,
L’amour fatal où Phèdre égara sa raison,
La fuite de Médée et l’œuvre du poison ;
À son exemple, avec l’amant qui m’a séduite,
Montons sur le vaisseau préparé pour la fuite…
Eh ! quoi ? Furtivement je quitterais ces lieux ?
Ma sœur Hélène a fait ainsi : je ferai mieux !

LA NOURRICE.

Reine, pourquoi ce trouble et ce regard farouche ?
Ton visage en dit plus que ne dirait ta bouche ;
Quels que soient tes desseins, choisis ton heure, attends
Tel mal où la raison ne peut rien, cède au temps.