Page:Bornier - Œuvres choisies, 1913.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LYDIE

À Rome ! Sais-tu bien…

PAUL

Je sais qu’il est un homme
Qui peut, en se jouant, par caprice, au hasard,
Si quelque jour sur moi vient tomber son regard,
Dire, sombre ou railleur : Qu’il meure à cette place !
C’est pourquoi je veux voir cet homme face à face.
Ce que je lui dirai, le monde l’entendra,
Et si je meurs, du moins la vérité vivra !
Puis vers Rome une force invisible m’entraîne :
J’ai soif de voir le Cirque et la sanglante arène,
Quelque empereur courant sur quelque immonde char,
Les lions étonnés des fureurs de César,
Et je prendrai, docile à la voix qui m’attire,
Le chemin le moins long pour aller au martyre !
Soufflez, vents orageux qui venez du Midi,
Pour réchauffer mon zèle un instant attiédi,
Et poussez mon vaisseau, dont frissonne la voile,
Vers la rive où la mort brille comme une étoile !

LYDIE

Le martyre !… quoi ! Paul…

PAUL

Si je l’obtiens pour moi,
J’irai le demander à Dieu…

LYDIE

Pour qui ?

PAUL

Pour toi.
Adieu, sœur !

LYDIE

Adieu, frère !