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— Elle s’envolera, Messieurs, dit-il, je vous le promets ; mais ce ne sera qu’à la fin de la classe.

Subjugués par ce ton, désorientés d’avoir été devinés, nous restâmes bouches béantes, très penauds, et un peu étonnés. Quelques-uns s’imaginèrent que c’était une vraie mouche que, par un pouvoir magnétique, le professeur retenait à sa cravate ; les moins naïfs supposèrent que c’était une mouche mécanique ; un ou deux flairèrent une simple facétie du maître ; mais tous restèrent silencieux, et, dans l’attente de la fin de la classe, la classe se passa dans un calme parfait.

Quand midi sonna, le Maître se leva :

— Messieurs, nous dit-il, ma mouche va s’envoler, et il fait un si beau temps que je crains bien de ne pas la rattraper de la journée, aussi vais-je lui laisser sa liberté, et en son honneur, je vous donne congé. C’est un droit de joyeux avènement qu’elle prend ; mais à une condition, c’est que vous lui promettrez de suivre l’exemple de sagesse qu’elle vous donne pendant la classe où elle est, avez-vous dû le remarquer, d’une immobilité qui est la sagesse des mouches. Promettez-vous ?

— Vive le congé ! vive le Maître ! et vive la mouche ! criâmes-nous en chœur.

Les plus petits regrettèrent peut-être de n’avoir pas vu le phénomène qu’ils attendaient : une épingle de cravate prendre son vol dans la classe ; mais ils pensèrent que c’eût été indigne d’une mouche aussi sage, et qu’elle ne se permettait de semblables ébats que dans la campagne. Peut-être leur arriva-t-il de la chercher dans les buissons ; mais les petits, comme les grands, avaient compris que le Maître qui domptait de telles mouches saurait dompter les petits garçons, et qu’avec lui il ne fallait pas rire… en classe.

Il avait gagné la partie.