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quelque chose sous la flamme rouge ; elle se baissa, son cœur battait un peu, mais elle n’osait encore rien dire, et elle retira de l’interstice de deux pavés le petit dé tout cabossé, tout écrasé par le rude attouchement du piétinement des passants.

La mère Gudule le reconnut ; elle le porta à ses lèvres et, par le même mouvement, elle embrassa la petite main qui le lui tendait.

Pourquoi donc disait-on qu’elle n’aimait pas les enfants ? La fillette pensa tout bas que c’était parce qu’elle avait trop aimé sa fille qu’elle fuyait les autres enfants, qui la lui rappelaient trop cruellement.

Ce n’était pas une bonne raison, c’est vrai, mais il faut pardonner aux gens qui sont malheureux, et la petite fille, sans raconter l’histoire du dé, qui lui semblait sacrée, n’omit pas de dire à tous ses petits amis que la mère Gudule était loin d’être méchante, et qu’il ne fallait plus en avoir peur.

Petit à petit, grâce à elle, la réputation de méchanceté de la vieille femme tomba comme par enchantement ; les petits voisins ne la fuyaient plus ; elle les accueillait bien à cause de la fillette qu’elle s’était prise à aimer ; il lui arrivait même, pour reconnaître leur gentillesse, de leur acheter des bonbons et des jouets qu’elle se procurait avec l’argent destiné autrefois à sa bière. On la voyait de moins en moins à la brasserie ; bientôt on ne l’y vit plus du tout. Le petit dé d’or l’avait sauvée.


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