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Et elle repartit, plus lentement, cherchant plus minutieusement encore, si minutieusement que ses pauvres vieux yeux en étaient tout fatigués.

Voilà la brasserie. Elle a fait deux fois la route, c’est bien fini, ce qu’elle cherche est bien perdu. Elle reprend sa canne, son mouchoir et ses clefs, et elle part oubliant sa chopine et ses sous.

Il n’était que midi. Jusqu’au soir elle refit sans se lasser la même route, et quand elle arrivait à sa porte, elle se disait tout haut :

— Ici je l’avais, j’en suis sûre, je l’avais tâté avant de partir, selon mon habitude.

Comme elle répétait cette phrase pour la centième fois de la journée peut-être, et qu’elle s’appuyait, découragée, à sa porte, la voix claire d’une petite fille demanda à côté d’elle :

— Qu’avez-vous perdu, mère Gudule ?

La vieille femme se retourna, et vit une de ses petites voisines qui revenait de la campagne, portant un gros bouquet de fleurs des champs.

À la vue de cette enfant, vivante image de la santé et de la force, la mère Gudule eut un sourire presque farouche, et elle répondit avec brusquerie :

— Ce que j’ai perdu est bien perdu ; passez votre chemin et laissez-moi.

La petite fille, un peu déçue, entra dans la maison ; mais, le pied sur la première marche de l’escalier, elle réfléchit une demi-seconde.

La mère Gudule était bien méchante de la repousser ainsi, et de repousser de même tous les enfants, mais elle avait du chagrin, et la petite voulut tenter de la consoler.

Elle revint donc sur ses pas, et d’une voix un peu hésitante, toute craintive de voir son offre repoussée.