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Mes efforts n’aboutissaient qu’à me rendre rouge comme un homard, rougeur que la colère contribuait d’ailleurs à augmenter, car j’étais furieux : furieux de ma petite taille, furieux que la poignée fût si haute, furieux qu’on m’avait défendu l’entrée de cette chambre, et impuissant à me servir pour y entrer du seul moyen pratique : je me mis à battre la porte de mes poings fermés, comme s’ils eussent été des marteaux capables de la briser.

Mais je me faisais mal, et c’était tout : la porte ne cédait pas, et la poignée là-haut me narguait et semblait me dire :

— Tu es trop petit !

Trop petit ! oui, c’était vrai ; mais que manquait-il à ma taille ? pas même la hauteur d’un coussin. Je recourus donc à ce moyen, et, triomphant, j’ouvris la porte. Alors, au faîte de mes désirs, je mis le pied sur le terrain défendu, et je vis au milieu de la chambre un berceau tout blanc, qui paraissait ne plus attendre que son hôte.

Un berceau ! voilà une découverte qui valait bien la peine que je m’étais donnée ! Mais pour qui ce berceau, puisqu’il était trop petit pour moi, et qu’il n’y avait pas d’autre enfant dans la maison ?

La réponse me vint toute seule : le bon Dieu allait sans doute m’envoyer une petite sœur. C’était là le secret dont m’avait parlé ma mère.

Je me perchai sur une chaise pour m’assurer que le poupon n’était pas encore arrivé, et je quittai la chambre bien résolu à y revenir chaque jour, et à ne parler de mon expédition qu’à mon amie Madeleine.

Madeleine était la fille d’une amie de ma mère ; elle venait souvent me voir, et bien qu’elle fût plus âgée que moi, — elle avait sept ans, et je n’en comptais que quatre — nous faisions très bon ménage. Je l’aimais parce qu’elle faisait tout ce que je voulais. Quel attrait