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LA CHAMBRE VERTE.



Mon premier souvenir remonte à ma première désobéisssance. J’étais bien petit ; mais, de même que la valeur, l’indépendance de caractère n’attend pas le nombre des années, et justement parce qu’on m’avait interdit l’entrée de la chambre verte, une chambre qui se trouvait au deuxième étage de la maison, je n’avais en tête qu’une idée : y pénétrer coûte que coûte.

Je la connaissais cette chambre ; car, longtemps inoccupée, elle servait de dégagement, et J’y avais assez souvent suivi ma mère ou ma bonne pour être assuré qu’elle n’avait rien de remarquable. Je m’y ennuyais même passablement pendant que ma mère rangeait son linge ou visitait ses armoires, et mon vif désir d’y retourner venait de ce qu’un jour on y avait furtivement déposé quelque chose que je n’avais pas vu ; c’est après l’arrivée de ce quelque chose, que ma mère m’avait dit en m’embrassant gaiement :

— Maintenant il ne faut plus entrer dans la chambre verte jusqu’à ce que… c’est un secret ! mon chéri, un grand secret !

Sans cette défense, sans doute je n’eusse pas songé, dès le lendemain du jour où elle m’avait été faite, à monter en tapinois au second étage, où je fus suivi par mes deux chiens favoris auxquels j’avais confié mon dessein ; mais j’allais me heurter à un obstacle que je n’avais pas prévu : cet obstacle c’était ma taille. En me haussant sur la pointe des pieds et en tendant le bras aussi haut que possible, c’est tout juste si le bout de mes doigts atteignait la poignée de la porte.