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marché ; mais, hélas ! quand elle arriva en taupinois, le dégât était déjà fait ; en se penchant, elle les vit tous là : Georges Daufin et les six autres. Ils avaient saccagé la vigne, dont les feuilles jonchaient la route, et tandis que le petit Jornard, mis en vedette, surveillait les abords de la villa, que Maurice Poulon enfouissait dans sa chemise les plus belles grappes, et que deux autres s’enfuyaient, riant de leur capture, Georges portait le plus jeune de la bande, chargé d’abattre la dernière grappe destinée à combler la mesure du chapeau de paille tendu par Jean Frileur.

— Tas de moineaux, va !

Ce fut la plus terrible des imprécations qui vint aux lèvres blêmies de Madame Agnès ; mais cette imprécation, tombée non du ciel mais du haut du mur, prouva aux enfants qu’ils étaient découverts ; ils s’envolèrent, et il est probable qu’ils mangèrent leurs raisins avec moins d’enthousiasme qu’ils ne les avaient cueillis.

— Oui, Monsieur, disait à son maître Madame Agnès, qui ne se sentait plus de rage, oui, tout est ravagé ; ils étaient sept, je les ai comptés et reconnus. Il y avait Georges Daufin, Jornard, Poulon, Frileur, le petit à la mère…

— Qui çà, les moineaux ? demanda Monsieur Arnot, qui s’apprêtait à partir pour la chasse et chargeait paisiblement son fusil.

— Des moineaux ! c’est bien le moment de rire ; des gamins ! ceux qui vont à l’école, les éduqués, quoi !

Monsieur Arnot visa des oiseaux qui sortaient d’un treillis et montaient vers le ciel.

— Qu’allez-vous faire ? lui dit Madame Agnès de son ton grondeur. N’est-ce pas assez de tirer sur les oiseaux qui se mangent ? en voulez-vous aussi à ces pauvres petits ?

Il abaissa son fusil en souriant :