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De fait, pendant ces derniers tours, il y avait d’une part tant de transes, et de l’autre tant d’excitation, que lorsqu’une voix criait : « J’ai gagné, » un soupir de soulagement sortait des poitrines haletantes.

Mais ces péripéties avaient un tel attrait, que, la première partie finie, nous en réclamions une seconde.

Maman procédait à une nouvelle distribution de cartes, quand on vint chercher grand-père en lui annonçant qu’un monsieur le demandait.

Nous n’entendîmes pas le nom de ce monsieur ; mais c’était sans doute un épouvantail. Nos parents parurent consternés, les cartes furent délaissées, et une heure plus tard nous quittions grand’mère, qui était pâle et se plaignait du froid.

C’est le nom de ce visiteur inopportun qui l’avait glacée.

Nous ne comprenions rien à ce qui s’était passé ; mais nous fûmes bien davantage surpris en voyant les transformations qui, de ce jour, s’opérèrent chez nos grands-parents.

L’hôtel fut mis en vente, les domestiques renvoyés, à l’exception du valet de chambre et de Colette, la vieille gouvernante. Un coup de pinceau effaça les armoiries des voitures, qui devinrent la propriété d’un petit commerçant enrichi… Le dirai-je ? notre plus grande préoccupation était de savoir si on reprendrait les parties qu’on avait interrompues.

Après le dîner du dimanche, on nous renvoyait bien vite, et la porte n’était pas fermée que nous entendions prononcer les mots d’argent… de notaire… Lequel d’entre nous osa, un soir, demander si jamais plus on ne jouerait au diable ?

Ce dut être Claire, la petite gâtée de notre aïeule. Elle avait choisi, pour faire cette demande, le jour où nous pendions la crémaillère