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à n’être compris de personne ; puis, me penchant vers ma petite cousine Claire :

— Si tu veux, lui dis-je, nous nous marierons ensemble quand nous serons grands.

Je ne pouvais la rendre plus heureuse qu’en lui faisant une demande en mariage. Elle me regarda d’un air ravi.

— Oh ! oui ! et j’aurai une robe de soie.

Soie ou laine, je me souciais fort peu de sa toilette ; mais elle m’avait parlé, son jeton me revenait, je n’étais plus diable.

Je ne sais pas si, en endossant la robe de soie, Claire eût revêtu un esprit de conciliation ; mais, comme joueuse, elle n’était pas commode, et nous nous prîmes aux cheveux :

— Tu n’avais pas dit que tu étais diable.

— Je l’ai dit, et ce n’est pas de ma faute si tu es sourde.

— Rends-moi mon jeton.

— Tu ne nieras pas m’avoir parlé maintenant.

La voix de maman s’éleva au milieu du conflit.

Je parle à la rosace, René, n’ayant pas prévenu qu’il était diable, n’a aucun droit sur la ton de Claire.

Nous n’avions qui rentrer dans l’ordre, l’arrêt était rendu par l’entremise de la rosace dorée, vers laquelle instinctivement nous avions tous levé la tête, comme pour la prendre à témoin de notre différend.

Elle nous était devenue indispensable, vraiment.

Elle remplit ce soir-là un rôle important. J’étais le plus effréné des diables. Plus la partie avançait et plus elle était bruyante : les heureux mortels qui avaient encore un jeton se pressaient les uns contre les autres, n’osaient plus desserrer les dents, et se regardaient plus morts que vifs, se comptant des yeux avant de distribuer les cartes.