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ou tournaient le bouton de la mèche pour produire des éclipses et s’attirer une réprimande, à laquelle ils répondaient par :

— Maman, vous m’avez parlé ; passez-moi votre jeton, s’il vous plaît.

Afin d’obvier à ces inconvénients, une de mes tantes avait imaginé de nous faire parvenir, par l’entremise passive de la rosace, les observations qu’on avait à nous faire. Désormais donc, au lieu de s’adresser directement aux diables, on levait la tête au plafond et, faisant précéder chaque phrase d’un : « Je parle à la rosace, » on engageait Alfred « à ne pas mettre ses coudes sur la table » ; on avertissait Jules que s’il lui arrivait encore de casser en deux ses jetons d’ivoire, il serait mis à la porte" ; et Agnès était invitée à ne pas donner des coups de pied à ses voisins.

Pour une raison toute particulière, ma mémoire me retrace plus fidèlement une de ces parties, qui, du reste, se ressemblaient toutes sous le rapport de l’effervescence dans laquelle elles nous mettaient.

J’avais été troisième sur vingt-cinq dans une composition de version, et grand-père m’avait promis de m’accorder tout ce que je lui demanderais. Rien ne me paraissant plus enviable que la partie de diables, j’obtins de faire lever l’interdit que maman avait mis sur ce jeu depuis le dimanche précédent, mémorable en disputes, et nous prîmes gaiement place devant nos jetons, promettant du fin fond du cœur d’être aussi sages que des images.

Cette promesse ne nous coûta guère tant que chacun de nous eut ses deux jetons ; mais, le premier, je les perdis, j’étais donc diable. Règle générale, c’était une nouvelle qu’on devait annoncer en termes intelligibles, afin de prévenir les joueurs qu’ils eussent à se tenir sur leurs gardes ; mais à toute règle il y a des exceptions, j’en fis une en ma faveur, et me contentai de murmurer : « Je suis diable, » de façon