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— Elle est à moi, Monsieur, répondit la propriétaire de Blanche-Neige, qui arrivait fort à propos. Je l’ai depuis de longues années, et nous nous aimons beaucoup. N’est-ce pas, Blanche-Neige ?

Comme si elle avait compris, la chèvre se rapprocha de sa maîtresse et la caressa à sa manière, en se frottant contre elle et en passant sa langue sur ses mains ridées.

— Vous paraissez la bien aimer, en effet, reprit le père de Louis et de Georges, et vous allez peut-être rejeter ma proposition. Mon dernier petit garçon, qui va avoir un an, a été nourri par une chèvre ; or la pauvre bête vient de mourir, et le bébé en a un tel chagrin qu’il ne veut prendre aucune nourriture. Sa mère et moi cherchons en vain depuis trois jours une chèvre pour lui remplacer sa nourrice ; mais nous n’en trouvons pas, et je pensais, en voyant Blanche-Neige... — que je pourrais vous la donner…, acheva la vieille femme sans attendre la fin de l’explication. Monsieur, cela me fera beaucoup de peine, je ne vous le cache pas ; mais qu’importe, si, au prix de mon chagrin, nous pouvons consoler votre petit enfant.

Oh oui ! elle eut bien du chagrin en voyant sa chère Blanche-Neige s’éloigner entre Louis et Georges, qui la tenaient chacun par une corne. Oh oui ! elle eut bien du chagrin ; les petits garçons purent s’en apercevoir, car, en se retournant pour lui crier adieu, ils la virent envoyer du bout des doigts un baiser à sa chèvre.

Quand ils arrivèrent chez eux, leur petit frère Marcel était tristement assis sur les genoux de sa mère, et ne souriait même pas en écoutant l’histoire, pourtant bien amusante, qu’elle lui racontait. Ses beaux yeux bleus, tournés du côté de la porte, avaient un regard vague et morne, et cela faisait peine ; ses petites lèvres, faites pour sourire, étaient plissées, comme s’il allait pleurer ; il avait croisé les mains sur ses genoux dans une pose affaissée, si triste, que sa maman,