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Cette haine dura deux jours.

Oh ! ne croyez pas que cela soit peu, deux jours de haine, c’est-à-dire quarante-huit heures, pendant lesquelles on médite contre son ennemi les plus noirs complots !

— Je mangerai toutes ses pâtées, pensait André, je lui casserai son panier d’osier et il n’aura plus de lit, je l’empêcherai de jouer avec ma balle, et je ne lui mettrai plus jamais, jamais, son petit collier rouge.

S’il m’était permis d’interpréter le silence de Misti, je dirais qu’il était gros de menaces.

Oh ! comme ses griffes étaient prêtes à égratigner les petites mains et même le bout du nez d’André ! Comme l’envie ne manquait pas à Misti d’aller chercher, pour le mettre en pièces, le moulin qu’André ne laissait jamais à sa portée, ou d’aller se blottir sous le manteau de velours d’André pour le couvrir de poils !

Ce qui vous étonnera peut-être, c’est de savoir que ces beaux projets de vengeance ne satisfaisaient ni André, ni Misti.

Non. Ils étaient encore plus mécontents d’eux-mêmes que de leur ennemi, et le deuxième jour, André, solitairement assis dans sa petite chaise, se demanda s’il n’avait pas bien durement châtié la première gourmandise de Misti.

À la même heure, pensivement allongé sur le fourneau de la cuisine, et pensant combien l’on était mieux sur le tapis d’André, Misti se demandait s’il ne s’était pas montré un peu… indélicat en goûtant d’une façon si complète le repas de son ami André.

Vous voyez, le remords naissait, et il naissait de leur désir de se rapprocher. On ne brise pas en un instant une amitié de trois ans. Ce n’est pas en vain que l’on grandit ensemble, que l’on joue ensemble, que l’on… mange ensemble ; car tout le crime de Misti n’avait-il pas été de vouloir partager le déjeuner de son ami ?