car il n’avait plus souvenance de ce fait, — vraiment, je crois impossible de s’aimer plus que ne le font cet enfant et ce chat.
Pourquoi faut-il que les amitiés les plus grandes subissent des épreuves ?
Un jour, c’est-à-dire un matin, — André s’apprêtait à manger sa bouillie, quand sa bonne entra, portant un énorme coq qu’elle venait d’acheter vivant au marché.
La vue du coq captiva André à un tel point qu’il en oublia sa bouillie ; mais Misti, moins captivé, profita de l’inattention de son ami pour vider l’assiette en un clin d’œil.
Ah ! ce ne fut pas long ! Quelle bonne bouillie ! Caroline, la cuisinière, soignait décidément mieux les repas d’André que ceux de Misti.
Le fripon se léchait tranquillement les babines quand André, rappelé à lui-même par le départ du coq et le cri de son estomac, se prépara à manger la fameuse bouillie.
— Mais… mais, elle est partie ! s’écria-t-il en fixant sur l’assiette vide ses yeux étonnés. Où est-elle partie ? Et, avisant Misti qui, bien repu, bien satisfait, continuait à se pourlécher les babines, il devina la vérité :
— Ah ! lui dit-il, c’est toi qui l’as mangée ! Eh bien, voilà ! Et la main potelée qui n’avait jamais donné à Misti que des caresses, s’abattit plusieurs fois énergiquement sur sa robe fourrée.
— Cela t’apprendra, cela t’apprendra… Oui, mais cela ne me rendra pas ma bouillie.
André éclata en sanglots.
Sa mère, attirée par ses pleurs, le consola, et lui fit faire une seconde bouillie ; mais l’incident n’était pas clos, et, de ce jour, une haine terrible anima contre André l’animal battu, et contre Misti, André, qui ne pouvait oublier le vol.