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Les lettres du jeune homme ne les rassuraient plus entièrement. On leur disait qu’il était bien, mais était-ce vrai ? et pour les lettres, comme pour les journaux, leur disait-on la vérité ?

Ah ! s’ils avaient su lire !

Bien souvent le père Laurent, un homme rangé s’il en fut, quittait son atelier pour la brasserie où il était sûr d’entendre parler politique.

La politique lui importait peu ; mais quand, au milieu de mots ronflants, qui ne lui disaient rien, tombait celui de Madagascar, il s’approchait, demandait d’un air dégagé ce qui se passait dans cette colonie, et rentrait presque toujours avec des nouvelles qui le rendaient plus sombre et qui faisaient pleurer sa femme.

Elle aussi tâchait de savoir ; elle questionnait de ci de là ; mais on devinait que cette pauvre vieille ne s’intéressait à Madagascar que parce qu’elle y avait un fils, et on la ménageait.

Témoin de leurs inquiétudes, émue de leurs larmes, Mariette, qui avait un bon petit cœur, chercha et trouva le moyen de calmer leur défiance, en mettant sous leurs yeux la preuve irréfutable que leur Jacquik était bien portant.

Un jour on remit au père Laurent une lettre si lourde, qu’il lui fallut payer une surtaxe.

Que pouvait donc bien contenir cette lettre si lourde ?

— Ouvre vite ! disait à son mari la mère Laurent, que toute chose anormale troublait.

Mais Mariette, qui se trouvait là, — elle s’arrangeait toujours de façon à être présente quand ils recevaient le courrier de Madagascar, sans doute pour qu’ils fussent à même d’en connaître tout de suite la teneur, — Mariette paraissait tout heureuse, et elle ne fut aucunement étonnée quand le père Laurent sortit de la lettre une photographie de Jacquik. Oui ! ils avaient sous les yeux leur Jacquik, sinon en