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gascar ; le maître d’école leur en faisait bien la lecture ; mais ils n’osaient pas lui faire répéter l’article qu’ils n’avaient pas toujours très bien compris ; ils achetaient alors le journal, et priaient Mariette, une petite voisine, de leur relire ce qui se passait là-bas.

Mariette n’avait pas ses brevets, ni même son certificat d’études, loin de là ! et cette lecture était pour elle un travail laborieux, une affaire d’état ; elle hésitait, elle ânonnait quelquefois, elle estropiait les mots, surtout les noms propres ; cependant elle y mettait toute sa conscience, et, dans les premiers temps, elle ne sautait pas une ligne.

C’est ainsi que les bonnes gens apprenaient sur les batailles et sur les maladies qui décimaient les troupes, des détails que le maître d’école avait passés sous silence.

Aussi chaque courrier leur apportait-il un surcroît d’inquiétudes ; ils se regardaient tristement, et sans qu’ils se fussent rien dit, de grosses larmes coulaient de leurs yeux.

À mesure que les mois s’écoulaient, les inquiétudes du père et de la mère Laurent grandissaient ; leur défiance aussi. Ils s’imaginaient toujours qu’on leur cachait quelque chose pour leur Jacquik.

Leur confiance en Mariette elle-même s’émoussait. L’enfant faisait des progrès, elle lisait plus couramment, comprenait mieux l’importance des nouvelles, et craignait peut-être plus qu’autrefois d’inquiéter les deux vieillards.

Qui sait si, agissant comme le maître d’école, elle ne sautait pas les passages les plus importants, et aussi les plus douloureux pour eux !

— À coup sûr, se disaient-ils, Jacquik doit être malade, ou peut-être tué ; on doit, sur l’imprimé, trouver son nom en toutes lettres parmi ceux des morts, et on ne veut pas nous le dire.