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coup de crayon, je n’avais pas achevé de les croquer quand le petit garçon releva la tête ; il me vit et s’enfuit, entraînant sa sœur et laissant le pauvre Riquiqui à son triste sort.

De retour chez moi, je peignis un fort joli petit tableau de genre ; puis, quand il fut achevé, voulant avoir une appréciation vraie de mon travail, voulant savoir si les enfants se reconnaîtraient, je me rendis à la ferme. Sur le chemin, je rencontrai Yan qui gardait les vaches, tout en taillant un sifflet dans du bois de sureau. Je déballai ma petite toile et, la lui mettant sous les yeux :

— Reconnais-tu ? lui demandai-je.

Il tendit les bras :

— Riquiqui ? s’écria-t-il.

Ce cri, parti du cœur, me fit plaisir ; le jeu brisé, ou plutôt l’ami tant aimé, n’était pas oublié, et au lieu d’éprouver un sentiment de fierté de se voir en peinture, ou de plaisir en reconnaissant sa maison, ce foyer auquel, plus que tout autre peuple, le Breton est attaché, Yan n’avait vu que son ami.

— Oui, c’est Riquiqui, lui dis-je ; tu l’aimais bien ?

— Je l’aime encore, me répondit-il avec un certain reproche, comme s’il eût été froissé de me voir employer le temps passé pour parler d’une affection qui subsistait toujours.

— Veux-tu ce dessin ?

— Pourquoi faire ? me demanda-t-il avec plus de franchise que de politesse ; je n’ai pas besoin de votre papier pour me rappeler Riquiqui.

Il se remit à tailler son sureau ; c’était un congé qu’il me donnait, et je m’éloignai, en pensant qu’il l’avait bien aimé, son Riquiqui, puisque son souvenir était tellement empreint dans sa mémoire et dans son cœur, qu’il n’avait besoin d’aucune image pour se le rappeler.

— Heureux Riquiqui ! murmurai-je, et bon petit Yan !