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Il avait entendu le bruit du canon, il avait vu l’armée partir pour la bataille et revenir décimée… décimée et vainçue !

Un jour, le bataillon de son père avait été désigné pour marcher, et le soir, son père n’était pas revenu. Sa mère l’avait pris avec elle, elle l’avait emmené sur le champ de bataille, et sans trembler, comme un homme déjà, mais serrant bien fort la main de sa mère, il avait marché entre les cadavres, suivant les ambulanciers qui reconnaissaient les blessés… On avait trouvé son père mort, et on était revenu à la maison. Sa mère pleurait, et lui, il s’était promis qu’il retournerait là-bas plus tard et qu’il se battrait ; mais ce jour-là, oh ! oui certainement, ce jour-là on serait vainqueur.

Rien ne les retenant plus en Alsace, ils auraient pu quitter le pays envahi ; mais la mère de Frantz s’affaiblissait de jour en jour et elle était tombée tout à fait malade. C’était le chagrin, disait-on ; cependant Frantz ne la voyait jamais pleurer, la source des larmes semblait tarie en elle ; mais le jour où son fils était rentré de l’école en lui disant : Le traité de paix est signé, et l’on dit que nous sommes prussiens, » deux grosses larmes avaient coulé le long de ses joues.

— Nous allons partir, avait-elle dit à Frantz, nous allons partir coûte que coûte.

Mais elle n’avait pu effectuer son projet, et elle était morte en recommandant à Frantz de ne jamais oublier que son père était mort pour la France.

Frantz avait été recueilli par une vieille voisine ; mais quand il lui disait : « Je veux aller en France, je ne resterai plus en Alsace, » elle lui répondait : « C’est triste, vois-tu : mais tu es pauvre, il te faut rester ici. »

Et il pleurait souvent.

Cependant ses camarades avaient repris leurs jeux sur la place