À grands cris, altéré, redemande su tête,
Que son boucher comptait et qui manque à la fête ;
Et le vieil Orlando, de Turin gouverneur,
Enamouré de moi, — hélas ! pourquoi ? d’honneur !
Je n’en sais rien, mais un refus l’irrite, —
Dit à mon père hier : Je demande Agarite ;
Richelieu veut ton sang, ta vie est en ma main :
Choisis, lequel veux-tu donner ? choisis… — L’hymen !
M’écriai-je, tombant à ses genoux mourante ;
Oui, pour sauver sus jours j’en épouserais trente,
Haïs autant que vous, mais pas plus exécrés.
Quoi ! ce n’est qu’à ce prix que ses jours sont sacrés,
Eh bien ! je suis à vous, emmenez votre femme ! —
Tu m’en fais le serment ? — Par mon père et mon âme ! —
Il est sauvé, ton père, il a protection ;
Richelieu hurle en vain, point d’extradition ! —
Puis, voilà son anneau, car je suis fiancée.
Maintenant j’ai tout dit, sans arrière-pensée.
M’épanchant dans ton sein, j’ai mis mon cœur à jour.
Si je fais tout cela, c’est filial amour,
Et souffre autant que toi. Connaissant de ton âme
La force et la beauté je n’attendais nul blâme.
N’est-ce pas, mon ami, que tu m’aurais dicté
Ce que j’ai fait sans toi ?… Viens donc a mon côté.
Pourquoi cet œil jaloux, muet ?… mon sacrifice
Est-il moins que le tien ? crois-tu que mon supplice
Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/98
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.