Page:Borel - Rapsodies, 1868.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


MISÈRE



La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré.
Gilbert.


 
À mon air enjoué, mon rire sur la lèvre,
Vous me croyez heureux, doux, azime et sans fièvre,
Vivant, au jour le jour, sans nulle ambition,
Ignorant le remords, vierge d’affliction ;
À travers les parois d’une haute poitrine,
Voit-on le cœur qui sèche et le feu qui le mine ?
Dans une lampe sourde on ne saurait puiser :
Il faut, comme le cœur, l’ouvrir ou la briser.

Aux bourreaux, pauvre André, quand tu portais ta tête,
De rage tu frappais ton front sur la charrette,
N’ayant pas assez fait pour l’immortalité,
Pour ton pays, sa gloire et pour sa liberté.
Que de fois, sur le roc qui borde cette vie,
Ai-je frappé du pied, heurté du front d’envie,