Ce n’est pas dans ces rangs qu’on cherche des victimes :
Leurs têtes dépassent les lois ;
Les mômes faits qui sont pour nous complots et crimes,
Pour ces messieurs sont des exploits.
Le tribunal pour eux n’a donc rien qu’on redoute ;
Il est pour les hommes de rien :
Le bourreau n’est soldé sans doute
Que pour frapper le plébéien.
Malheureux !… qu’a-t-il fait ? — Dans sa sombre misère
Il osa fausser un écu. —
Déjà pour le saisir le juge ouvre sa serre,
Déjà ce pauvre… il a vécu !…
Mais égard à qui jette injure sur injure
Et fléaux sur la nation,
Dont le fer soutient le parjure
Criant extermination !…
Non, non, cane se peut : levez vos yeux profanes !
Voyez à l’entour du château,
Voyez-vous, par milliers, s’entre-choquer ces mânes
Qui semblent brandir un couteau ?
Un sceptre entre leurs mains et sous leurs dents se broie,
Ils évoquent le talion.
Ainsi tournant près de sa proie
Ruit un farouche lion.
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