Page:Borel - Madame Putiphar, 1877.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
MADAME PUTIPHAR.

Avant mon premier départ pour les Indes, ayant déjà remarqué en eux une lointaine inclination, et un commencement de liaison, je vous avois fortement recommandé et fait bien promettre de ne plus leur laisser aucun rapport ; en tout point vous m’avez désobéi. Plus tard, lors de mon entrée en campagne, je vous renouvellai formellement le même ordre et vous me désobéîtes encore plus formellement. À mon retour de l’armée, je trouvai Déborah compagne de Pat ; je trouvai Pat presque installé ici ; Pat traité comme vous eussiez traité un fils ; Pat assistant à toutes les leçons des maîtres de Déborah, et étudiant avec elle les arts d’agrément. Étiez-vous folle ! Vous avez fait un joli coup en vérité ! vous avez rendu un bon service à ce pauvre père Patrick ! Aujourd’hui, il ne sait que faire de son garnement de fils, qui s’en va labourer un solfége à la main, un Shakspeare sous son bras. N’eût-ce été que par respect pour ma maison, vous n’eussiez pas dû attirer ici, et traiter de telle sorte, l’enfant d’un de vos fermiers, et d’un de vos fermiers irlandois et papiste !

— Cher époux, vous savez combien je vous suis soumise en toutes choses. Ce n’étoit point pour braver vos commandements, ce que j’en fis, mais purement pour l’amour de votre fille : seule, avec moi et quelques domestiques grondeurs, sans distraction aucune dans ce beau, ce pittoresque, mais taciturne, mais funèbre manoir, la pauvre enfant se mouroit d’ennui, et ne cessoit de redemander son Pat, qui l’égayoit de sa grosse joie, qui l’entraînoit dans le