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La belle tournure que vous aurait un sphynx dans un impasse, entre un cordonnier et un estaminet ! Le bel effet que celui d’un obélisque se profilant sur un hôtel garni, entre un corps-de-garde et une marchande de tisane !

Hélas ! nonobstant toutes ces raisons et beaucoup d’autres, voici la France qui se met aussi de la partie pour faire la traite des monuments, et qui s’en met à toute outrance. Elle vient, le fait est notoire, le fait est scandaleux, d’importer un monolithe arraché aux ruines de Louqsor. Pauvre France !… combien elle est heureuse, maintenant qu’elle possède un obélisque ! quelle gloire ! Réjouis-t’en bien long-temps, ma patrie ! L’enfant qui secoue son hochet oublie ses chagrins : puisse ce hochet de granit assoupir aussi tes douleurs, et verser du baume sur tes plaies !

Mais si, comme à l’enfant, il te faut des jouets, souvent aussi, comme lui, tu en désires dont tu ne sais que faire, quand tu les possèdes.

Pour lui trouver un emploi, pendant trois ans, que dis-je ? pendant quatre années pleines, rhéteurs et raisonneurs se sont évertués : jusqu’à messieurs de notre sénat, qui ont agité cette haute question dans leur petite chambre.

Et pendant ces quatre années, par voies et par chemins, par monts et par vaux, on n’a vu qu’ardélions obséquieux, errant, lanterne en main, non pour trouver un homme, mais pour trouver où jucher ce coquet emblème des rayons du soleil. Celui-ci voulait qu’on