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belle créature de Dieu, le plus bel être ; nul ne détournera seulement la tête pour le voir : qu’on amène une girafe, ridicule animal, la multitude se lèvera aussitôt, accourra en masse sur son passage, et son entrée sera un triomphe. Qu’on importe une œuvre de Michel-Ange, qui s’en occupera, qui se détournera pour la voir ? Mais qu’on importe un obélisque, la multitude se ruera à l’entour. Un obélisque, c’est une girafe de pierre : votre obélisque aura beaucoup de succès ! Quelques cent mille niais feront Ho !!! en l’appercevant pour la première fois. Quelques centaines de maraichers de la banlieue, venant vendre leurs légumes, s’arrêteront devant bouche béante, et demanderont ce que c’est que ce machin orné de canards et de zig-zags : on se gardera bien de leur répondre en français : C’est une broche de pierre ; avec emphase on leur dira, en grec : C’est un obélisque monolithe. (Quelle bonne chose que le grec pour boursoufler les platitudes, et pour obscurcir ce qui est clair !) — Jarnidieu ! sauf votre respect, répliqueront ces braves gens, je prenions ça pour une cheminée de pompe à feu.

Goguenarderies à part, que trouvez-vous de si beau à un obélisque ? Comme art, comme exécution, comme invention, comme galbe, comme effet, c’est un monument laid et nul. Voulez-vous donner une idée avantageuse des Égyptiens et de leur génie ? Pourquoi donc alors choisir entre leurs œuvres une borne ? car, vous savez touts aussi bien que moi, et mieux que moi, car vous êtes des savants, qu’un obélisque n’était point un mo-