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violent de la patrie absente que rien ne saurait abattre, qui fait encore trouver des larmes aux vieillards canadiens courbés sous le joug infamant de l’Anglais, rien qu’au seul nom de leur ancienne patrie, et qui leur fait parfois repousser avec dégoût les jeunes enfants de leur race, qui fatiguent leurs oreilles de la rude langue des vainqueurs. Il paraissait toiser la distance de son Afrique à cette rive américaine, et maudire les Européens barbares qui l’y avaient transplanté après l’avoir échangé contre une scie ou un sabre à ses ravisseurs.

On aurait bien pu se plonger dans le fiel de tous ces pensers, et pourtant rien de tout cela n’agitait Barraou, car c’était un fils de Cuba qui n’avait d’africain que les traits et l’âme. Tout à coup il jette loin de lui son cigare inachevé, se lève et s’assied lourdement, entrecoupant, dans ses dents, de rauques monosyllabes semblables à des jurons grossiers. Il faisait claquer sa mâchoire, et se heurtait du derrière de la tête sur la muraille ; enfin, paraissant se calmer, il répéta d’une voix pleurante :

— Jalousie ! jalousie ! que tu me fais de mal ! que tu dévores, jalousie !… Maudit soit de moi,