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chambre dénuée, en désordre, quand cette fille me baisant les mains, la voix pleine de larmes, me remercia, j’étais hors de moi, je ne sais pas, je ne me rappelle rien, je pleurais !… Elle, égarée, à genoux contre un lit de sangles, était accoudée sur le corps de sa mère, qu’elle appelait.

Cette heure a usé dix ans de ma vie !…

Et c’est de tant de pitié, qu’est sorti tant d’amour.

Quelques jours après, je fus la visiter : tout le temps que je causai avec elle, je lui remarquai un air embarrassé ; elle se tenait toujours assise et ses deux bras toujours étaient posés sur son giron : quand elle se leva pour me reconduire, je vis que sa robe, par-devant, était déchirée et trouée et que sous ses petites mains elle avait tâché de dissimuler sa misère.

Après quelque temps d’assiduité, séduit par son esprit doux et triste, épris de sa beauté rare, éperdu comme un jeune homme, je lui fis l’aveu de ma passion. Elle me répondit qu’elle avait une trop haute estime de moi pour présumer que je voulusse exploiter son dénuement ; qu’elle croyait sincèrement à la noblesse et à la pureté de mes sentiments ; mais, qu’ayant résolu de quitter