— Chaque nuit tu descends à la source ?
— Oui, chaque nuit : quand tout dort en la maison, je me lève et descends faire ma prière sur sa tombe ; quand j’ai bien prié et bien pleuré sous le ciel, je me sens plus calme. La nature semble me pardonner mon crime ; il me semble entendre dans le silence universel une voix partant des étoiles, qui me crie : — Ton crime n’est pas le tien, faible enfant de la terre, il est aux hommes ! à la société ! que son sang retombe sur eux et sur elle !… Je rentre avant l’aurore, et je goûte alors un sommeil plus paisible et sans rêves affreux.
— Mystérieuse ! pourquoi ne me parlas-tu jamais de tes visites nocturnes ? je m’y serais trouvé aussi, moi, je serais venu prier et pleurer avec toi !
— Garde-t-en, Champavert, garde-t-en bien, tu me perdrais ! Plusieurs fois, mon père soupçonneux m’a suivie, j’en suis sûre, je l’ai vu, là, caché derrière le mur de la citerne, il m’écoutait ; nous nous serions trahis. Aussi, ai-je bien soin de prier bas, de peur qu’il n’entende pourquoi je prie. Il m’a demandé plusieurs fois, avec un sourire d’intelligence, si je