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-de-vie, rien d’urbain ! L’homme, livré à lui-même, solitaire et silencieux, en est réduit à penser.

Tu es heureux maintenant, heureux, un garçon de charrue heureux, quel scandale ! Le bonheur peut-il bien se prostituer ainsi ! Un garçon de charrue heureux !… Allez donc dire cela à madame la banquière trois étoiles, qui s’évente là-bas à son balcon. Fi donc ! dira-t-elle, le cœur soulevé et crachant ; fi donc, un garçon de charrue heureux ! un balourd ! Pour moi, sans flatteries, je vous comprends assez bien, toi et ton bonheur, bonheur s’il en est ? Bonheur, quel mot dérisoire ! Je n’ai point encore rencontré d’être assez effronté pour s’avouer heureux.

Autrefois, j’ai peut-être aussi rêvé la vie que tu as réalisée : alors, je croyais aux champs des Bucoliques, aux paysans des Idylles, aux villageois de Favart, aux bergères des impostes de Boucher : je me disais, si la félicité n’habite point la ville, à coup sûr, on l’héberge aux champs. Je croyais qu’alors qu’on a des sabots aux pieds, une souquenille, un chapeau de paille, qu’on se lève avec le jour, qu’on gouverne un coutre, qu’on sarcle ou qu’on arrose