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sitôt oublié, et, d’ailleurs, souvent je te la rappelai cette nuit, où, après avoir erré long-temps dans la forêt, appréciant à son prix toutes choses, alambiquant, fouillant, disséquant la vie, les passions, la société, les lois, le passé et l’avenir, brisant le verre trompeur de l’optique et la lampe artificieuse qui l’éclaire, il nous prit un hoquet de dégoût devant tant de mensonges et de misères. Alors, si tu veux bien t’en souvenir, nous pleurâmes ; oui ! tu pleurais !… Ta main frappa dans ma main, et nous fîmes un jurement. Si je te rappelle tout cela, ce n’est pas que je veuille, nonobstant, t’entraîner à sauter le pas ; non, c’est bonnement pour que tu ne blâmes plus une résolution qui a été la tienne. Hélas ! ton nouveau sort, sans doute, a fait muer tes idées ; c’est lui, sans doute, qui te cloue à la vie, comme une huître au rocher. Tu as laissé la niaise profession que t’avait imposée ton père ; employé, tu as déserté ton emploi et renoncé aux sourires et aux pourboires ministériels ; dépravé que tu es, manant ! Tu as eu la grossièreté, comme on dit, poussé par l’instinct du chien qui chasse de race, tu as eu la grossièreté de quitter la ville au séjour enchanteur, — comme