fiancé ; pour elle, douce, sans malignité aucune, ignorante du mal, sa cruauté le faisait apparaître à ses yeux sous une forme inhumaine, sous les dehors d’un ogre ; elle ne pouvait croire que de la poitrine d’un homme il pût sortir tant de barbarie. Cette heureuse enfant ne savait pas que la société pervertit tout, que le fanatisme de la possession et de la religion endurcit et donne la soif du sang ; que l’homme bon dans l’état naturel, civilisé devient soldat, propriétaire, prêtre, juge, bourreau ; elle ignorait que pendant son bas âge, son aïeul avait été rôti en place de Grève à Paris, et que bien avant, pour éviter la mort, son père, accusé de magie, s’était enfui de cette cité imbue de sang humain.
Six semaines étaient passées, Rochegude n’arrivait point, la pauvre Dina s’attristait de jour en jour, sa gaieté s’effeuillait ; que l’attente lui semblait dure ! Le temps s’allongeait derrière elle et l’avenir était sombre à ses yeux. Elle se disait : — Aymar en ce moment est peut-être accroupi en un cachot humide, m’appelant d’une voix mourante, à ses gémissements l’écho rauque d’un souterrain répond seul, et son front,